Hervé Collot
Sept décennies de fidélité au football nancéien
Né le 4 août 1932 au Val-d’Ajol (Vosges), décédé le 3 avril 2025 à Saint-Max (Meurthe-et-Moselle) ; joueur (défenseur et milieu défensif) et entraîneur français ; international militaire, international amateur ; joueur (1952-1966) et entraîneur de l’équipe amateur (1957-1964) du FC Nancy ; directeur technique des équipes de jeunes et responsable de la formation des cadres techniques (1970-1979, 1980-1982), entraîneur de l’équipe réserve (1972-1974), entraîneur de l’équipe première (1982-1984) de l’AS Nancy-Lorraine.
Hervé Collot, dont le père attache plus d’importance à sa réussite scolaire qu’à ses exploits sportifs, débute le football assez tardivement dans le club de sa ville natale. Parallèlement, il pratique d’autres sports (basket, handball, athlétisme…) et devient champion d’académie du 100 m. Après deux années sous le maillot du Val-d’Ajol (1947-1949), le bon élève Hervé Collot est admis à l’école normale d’instituteurs de Mirecourt et signe alors à l’US Mirecurtienne qui évolue en Promotion de première série. Trois ans plus tard, Jean Mathieu, entraîneur du FC Nancy (septembre 1951-décembre 1952), venu dans les Vosges pour observer un joueur de Bruyères, le remarque et lui fait signer une licence amateur à Nancy. C’est donc dans la ville aux portes d’or que le jeune Vosgien poursuivra ses études à l’école normale d’instituteurs et préparera la deuxième partie du baccalauréat.
Mesurant 1,72 m pour 72 kg, Hervé Collot se fait remarquer par sa rapidité et par l’impressionnante musculature de ses jambes. Joueur solide, il peut évoluer à plusieurs postes : demi-aile (ce qui correspond aujourd’hui à milieu défensif), arrière latéral et arrière central. Il intègre l’équipe professionnelle du FC Nancy dès la 4e journée de championnat, le 11 septembre 1952 face à Rennes, et ne la quittera plus. Pour le gamin du Val-d’Ajol, l’ascension est d’autant plus fulgurante qu’il participe pleinement cette saison-là à l’épopée nancéienne en Coupe de France, disputant la finale à Colombes le 31 mai 1953. Alors que ses coéquipiers plus âgés pleurent la défaite (1-2) face au LOSC, l’amateur de vingt ans est tout à sa joie d’avoir serré la main du président de la République Vincent Auriol. L’avenir s’annonce d’autant plus prometteur pour lui qu’au même moment, il décroche son diplôme lui permettant de devenir instituteur.
Les deux saisons suivantes, Hervé Collot joue moins (une grosse dizaine de matches par saison) pour cause de service militaire, qu’il effectue en partie avec son futur coéquipier nancéien Stéphan Brezniak. International militaire, il remporte le challenge Kentish aux côtés de futurs internationaux, dont Michel Hidalgo. À son retour à la vie civile, il retrouve une place de titulaire indiscutable au FC Nancy qu’il ne quittera plus pendant plusieurs saisons, tout en exerçant sa profession d’instituteur puis de professeur d’éducation physique. Au cours de cette période, apogée de sa carrière sportive, il est sélectionné en équipe de Lorraine, où il côtoie le Jovicien Aldo Platini, et porte une douzaine de fois le maillot de l’équipe de France amateur, avec laquelle il effectue plusieurs tournées, notamment en Afrique. Sur le plan privé, il se marie en 1956 avec Colette Auguy ; le couple aura deux enfants : Patrick né en 1960 et décédé tragiquement en 1997, et Nathalie née en 1963.
Parallèlement, eu égard à ses qualités sportives et pédagogiques, les dirigeants du FC Nancy confient à Hervé Collot le soin d’entraîner l’équipe réserve. Ce rôle lui convient à merveille et sous sa direction, les amateurs du FCN passent en deux ans du championnat de Promotion à celui de CFA, réussissant même l’exploit de terminer champions du groupe Est à l’issue de la saison 1959-1960, ne s’inclinant qu’en finale de la phase nationale le 12 juin 1960 face au FC Annecy.
De 1959 à 1961, s’il s’épanouit donc pleinement dans son rôle d’entraîneur-joueur de l’équipe réserve, il joue en revanche plus épisodiquement avec l’équipe première du FCN. De telle sorte qu’à l’aube de sa saison 1961-1962, personne n’aurait pu imaginer qu’Hervé Collot allait redevenir titulaire et retourner à Colombes. C’est pourtant ce qui va se produire au cours de la plus belle saison de l’histoire du FCN, conclue par une 4e place de D1 et par une deuxième finale de Coupe de France. Après avoir éliminé le FC Metz en demi-finale, Nancy affronte l’AS Saint-Étienne en finale le 13 mai 1962 – seize ans jours pour jour avant la finale remportée par l’ASNL face à Nice au Parc des Princes. Contrairement à la finale de 1953, cette fois le FC Nancy peut faire figure de favori puisque les Stéphanois viennent d’être relégués en D2 en dépit d’un effectif de qualité. Mais là est le piège : les Stéphanois doivent gagner la Coupe pour se racheter de leur mauvaise saison auprès de leurs supporters. Le match se joue sur un détail et l’ASSE l’emporte 1-0. Hervé Collot qui, neuf ans plus tôt, n’avait pas compris les larmes de ses coéquipiers, est cette fois le premier à s’effondrer : il sait désormais qu’il ne remportera jamais la plus prestigieuse des compétitions nationales.

Cette seconde finale perdue constitue le chant du cygne d’un FC Nancy en proie à d’insurmontables difficultés financières. Le club est relégué en D2 la saison suivante puis renonce au professionnalisme à l’issue de la saison 1963-1964. Hervé Collot, resté fidèle au club nancéien, aurait dû prendre les rênes de l’équipe première puisqu’elle évolue désormais en CFA, dans ce même championnat où figurait précédemment son équipe réserve. Malheureusement, un point de règlement absurde (obligation d’avoir au moins 30 ans pour entraîner une équipe A en CFA) l’en empêche. Son ancien coéquipier Léon Deladerrière revient alors au club comme entraîneur-joueur et fait d’Hervé Collot le patron de sa défense. Mais le mal est profond : le club nancéien n’y arrive plus, ni sportivement, ni surtout économiquement, et renonce à repartir en CFA la saison suivante. Durant l’été 1965, alors que la mort du FC Nancy est annoncée, une nouvelle direction arrive à la tête du club et décide de poursuivre l’aventure, mais cette fois en Promotion d’honneur (2e échelon régional, 5e échelon national). En dépit de ce terrible déclin sportif (le club est passé en trois ans d’une 4e place en D1 et d’une finale de Coupe de France à… la PH !), Hervé Collot joue une saison de plus au FC Nancy, à un niveau indigne de son talent.
Entre-temps, Hervé Collot a vécu une soirée très particulière à l’occasion de son jubilé, organisé le mercredi 14 avril 1965. À cette occasion, une sélection d’anciens du FC Nancy emmenée par Hervé Collot lui-même et composée de Ladislas Nagy, René Pleimelding, Stéphan Brezniak, Jacques Villermin, Bernard Lefèvre, Alberto Muro, Roger Piantoni, auxquels se joignent les anciens internationaux Bruno Rodzik et Joseph Ujlaki, affronte le FC Sochaux (D1). Même si le football professionnel est mort à Nancy, 7 000 supporters nancéiens sont présents ce soir-là pour honorer la fidélité d’Hervé Collot et applaudir les anciennes gloires du club.

La mort dans l’âme, Hervé Collot quitte le FC Nancy à l’été 1966, après quatorze ans de bons et loyaux services, pour devenir entraîneur-joueur du FC Pont-à-Mousson. En 1968, il sort major du stage fédéral d’entraîneur et devient président de l’Amicale des éducateurs-moniteurs de Lorraine.
Lorsqu’à la fin de l’année 1966, Claude Cuny avait jeté les bases de la renaissance du football professionnel à Nancy, Hervé Collot, encore profondément meurtri par l’agonie du FCN, avait d’abord fait partie des sceptiques, considérant que le football d’élite n’avait plus d’avenir dans une ville surnommée qu’on surnommait alors « la belle endormie ». Les résultats probants obtenus par le club au chardon vont toutefois bien vite dissiper ses doutes et c’est en juillet 1970 qu’à la demande de Claude Cuny, il quitte le FC Pont-à-Mousson pour rejoindre l’ASNL avec le titre de directeur des écoles de football et de l’encadrement technique. Pendant neuf ans, il mettra sur pied et organisera toute la politique de formation nancéienne, des plus jeunes jusqu’à l’équipe réserve. L’éclosion et la magnifque réussite sportive ds jeunes espoirs nancéiens – le fameux « lycée papillon » – doivent beaucoup à Hervé Collot, arrivé au club à un moment où tout restait à faire en ce domaine.
Au cours de sa première saison à l’ASNL, Hervé Collot continue à chausser les crampons, disputant la moitié des matches de l’équipe réserve qui évolue alors en DH. À l’issue de la saison 1971-1972, l’US Valenciennes le sollicite pour devenir entraîneur de son équipe professionnelle (D1), mais ses attaches sentimentales et professionnelles en Lorraine sont trop fortes et il décide de demeurer à l’ASNL. Il rede vient d’ailleurs entraîneur pendant deux ans puisque, en plus de ses responsabilités à la tête de la formation nancéienne, il dirige lui-même l’équipe réserve de 1972 à 1974 avant d’être remplacé dans cette tâche par son ami Aldo Platini. Les deux hommes sont d’autant plus liés que c’est la famille Collot qui, en 1972, hébergera dans son pavillon de Saint-Max le jeune Michel Platini lors de sa première saison nancéienne. Hervé Collot, devenu conseiller municipal de Saint-Max, mariera d’ailleurs Michel Platini et Christelle Bigoni en 1977.
Déchargé à partir de 1974 de l’équipe réserve et du centre de formation, il n’en demeure pas moins le responsable de toutes les équipes de jeunes de l’ASNL jusqu’en 1979. Cette année-là, en vertu d’un accord signé entre l’ASNL et le SA Épinal, tout juste relégué en D3, Hervé Collot quitte provisoirement l’ASNL pour aller entraîner le SAS où il succède à un autre ancien du FC Nancy, « Coco David » (David Ickowicz). Mais sa famille étant restée à Saint-Max, il ne se plaît guère dans cette fonction qui l’oblige à d’innombrables déplacements. Après une seule saison, il laisse la place à Michel Cassan et revient à l’ASNL où il reprend la direction des équipes de jeunes.
Deux ans plus tard, à l’été 1982, Georges Huart, l’entraîneur de l’équipe professionnelle de l’ASNL, quitte le club pour aller diriger l’INF Vichy. Sur les conseils d’Aldo Platini, les dirigeants nancéiens choisissent Hervé Collot pour lui succéder. Sa première saison dans ses nouvelles fonctions est une pleine réussite. L’équipe pratique un football très offensif et, avec 74 buts marqués, elle se classe deuxième meilleure attaque du championnat de D1 et manque de peu la qualification pour la Coupe de l’UEFA. La seconde est moins réussie puisque l’équipe termine à la quinzième place. Quelque peu usé par la pression, Hervé Collot décide de mettre un terme à sa seule expérience d’entraîneur d’une équipe professionnelle. Il est remplacé par le jeune et prometteur Arsène Wenger, ancien adjoint de Jean-Marc Guillou à l’AS Cannes.
La fin de ses fonctions d’entraîneur est toutefois loin de mettre un terme à la collaboration entre l’ASNL et Hervé Collot. Celui-ci reste très présent au club dont il est l’une des figures les plus emblématiques. Lors de l’assemblée générale du 16 mars 1990, il est élu à l’unanimité président de la section amateurs de l’ASNL en remplacement de Michel Ledogar qui assumait cette responsabilité depuis 1967. Hervé Collot conservera lui-même cette fonction durant de nombreuses années, tout en assumant d’innombrables autres missions officielles et officieuses. Citons-en deux à titre d’exemple : au début des années 1990, il a la charge de l’animation du stade, et en 2007, c’est lui qui se voit confier le soin de contacter tous les anciens joueurs dans le cadre de la préparation du 40e anniversaire du club. Gardien de la mémoire du football nancéien, Hervé Collot a aussi eu l’idée d’organiser, à partir du milieu des années 2000, une brocante du sport qui réunissait chaque année plusieurs collectionneurs à Saint-Max.
Pendant de longues années, les habitués de la tribune Jacquet avaient pris l’habitude de voir le trio de supporters que formaient Aldo Platini, Roger Piantoni et Hervé Collot suivre les matches de l’ASNL avec passion. Le premier est parti en 2017, le second en 2018. Avec le décès d’Hervé Collot le 3 avril 2025, c’est une page importante de l’histoire du football nancéien qui se tourne.