Section féminine ASNL

L’équipe professionnelle retient toutes les attentions des supporters et tous les commentaires des médias. Mais derrière cette structure professionnelle se cache une structure bien moins visible mais ô combien essentielle, la section amateur. Mais si on y regarde encore de plus près, tapie dans la pénombre, la section féminine peine à se faire remarquer. La montée en Division 2 et ses excellents résultats ont remis un peu de lumière sur cette section féminine dont la création remonte à mars 1971. Nous vous proposons de découvrir ses premiers pas.

« Du football féminin à l’ASNL !

La nouvelle est surprenante mais pleine d’intérêt, l’AS Nancy-Lorraine va créer une section de football féminin. Pour une fois l’ASNL n’innove pas sur le plan national mais elle demeure à l’avant-garde, à l’heure où l’égalité des sexes est un sujet d’actualité. Les jeunes filles ou dames intéressées doivent le faire connaitre au siège de l’ASNL, rue du Général Leclerc, tél. 53.68.63. »

Ces quelques lignes sont les premières où on associe l’ASNL au football féminin. Cette annonce est parue dans l’Est Républicain en novembre 1970. A la suite, 24 jeunes filles sont retenues et jugées aptes par la commission médicale de l’ASNL. Le mercredi 10 mars 1971 s’est tenue à Morhange une réunion avec comme but l’émulation du football féminin par la création d’un championnat de Lorraine féminin, initiative soutenue par une dizaine de clubs lorrains dont l’ASNL. La section nancéienne se structure au fur et à mesure, après un hiver rigoureux qui a freiné son bel élan, et confie sa direction à M. Borsaro, déjà président de la troupe des majorettes-hôtesses de la Garde des ducs de Lorraine. Le Président Cuny envisage cette activité avec beaucoup de sérieux et c’est pourquoi il s’oppose formellement à des matches féminins en lever de rideau des matches professionnels. “Nous ne faisons pas faire du football aux femmes pour qu’elles soient ridicules. Le public qui assistera à ces rencontres sera un public informé au même titre que celui qui assiste aux matches de basket ou de volley-ball joués par des femmes. Il ne faut pas essayer de comparer avec le football masculin. D’ailleurs, ce n’est pas à proprement parler le même sport, le terrain est plus petit, les corners se tirent aux 18 mètres, le ballon est du type minimes, on peut utiliser des remplaçants, etc. A l’AS Nancy-Lorraine, nous faisons du sport, pas du football ni du cirque. Pour nous, cette section sera considérée avec le même sérieux que n’importe laquelle de nos équipes amateurs… Et je crois que bientôt personne ne sourira plus d’une femme qui joue au football.”

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Le 31 mars 1971 le football féminin s’implante officiellement à Nancy.  C’est l’AS Lorraine, la section mère de l’ASNL qui passa ses équipes amateurs au club professionnel au moment de sa création, qui crée les deux premières équipes féminines avec 30 licenciées. L’administration et l’entrainement de cette section s’effectue en collaboration étroite avec l’ASNL. Mme Penoud devient alors le premier entraineur de cette section secondée par M. Stuffer. C’est le 20 mai 1971, au stade Marcel Crusem de  Dieulouard que les nancéiennes ont disputé leur première rencontre amicale en affrontant leurs homologues messines. Les pionnières sont : Claudine Lignon, Dominique Michel, Micheline Barbat, Martine Sparza, Danièle Welsch, Martine Geoffroy, Chantal Legroux, Anne-Marie Schilz, Joëlle Beauregard, Michèle Humbert, Eliane Chassatte, Mireille Foisselle, Josette Lignon, et Françoise Petitjean. Elles sont lycéennes, employées de bureau, sténo-dactylo, aide-soignante,  ou boulangère. Elles viennent des environs de Nancy et ont entre 16 et 29 ans.  (Danièle Welsch, Martine Sparza et Micheline Barbat font partie également de la première sélection Lorraine). Plus de 1 500 spectateurs se sont pressés autour de la main courante à Dieulouard sous une chaleur accablante ! Ils n’étaient pas les seuls car de nombreux médias étaient présents, même une TV américaine… Pour l’anecdote, les deux équipes se sont quittées sur un score de 1-1, les nancéiennes ayant ouvert le score.

Le football féminin venait d’écrire ses premières lignes à Nancy.

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Les trois sélectionnées de Lorraine : Danièle Welsch, Martine Sparza et Micheline Barbat.

 

Nous vous proposons également de lire une interview de Chantal Legroux, capitaine de l’équipe fanion de la section féminine lors de la saison 1976/1977, réalisée par le Chardon Rouge dans son numéro 95. Bien sûr, il faut remettre les questions dans leur contexte mais les réponses montrent que le regard sur le football féminin a bien changé.

Question : Comment êtes vous venue au football, qui vous en a donné le désir ?

Réponse : Mon père m’amenait aux matches quand j’étais plus jeune. J’aimais cela, j’ai toujours aimé ce sport je crois. Dans mon village je jouais avec les garçons quand il manquait quelqu’un pour compléter l’équipe.

Q : On prétend que ce n’est pas un sport de fille, qu’en pensez-vous ?

R : Je ne me soucie guère de ce qu’on peut dire à ce propos. C’est vrai que j’en ai déjà entendu. Je ne voix pourtant pas pourquoi ce ne serait pas aussi féminin que le judo, le basket ou autre sport pratiqué par des filles.

Q : Peut-être a-t-on ce préjugé parce que le football est souvent brutal, viril par excellence ?

R : On peut jouer au football sans se distribuer des coups. Vous confondez avec la boxe.

Q : Cela signifie-t-il que les matches féminins sont disputés dans un meilleur esprit que les matches masculins ?

R : Je crois qu’il y a moins d’accrochages oui. Dans l’ensemble les différends se limitent à quelques mots. C’est selon les équipes. Parfois nous sommes copieusement insultées mais à l’ASNL nous nous efforçons de rester polies.

Q : Cet esprit meilleur ne serait-ce pas parce que les femmes auraient plus peur que les hommes de prendre des coups ?

R : Il est évident que nous n’allons pas faire du sport pour être défigurées ou se retrouver couvertes de bleus. Mais je peux vous assurer que les femmes font beaucoup moins de cinéma que les hommes.

Q : Quel poste occupez-vous ?

R : Je joue en milieu de terrain, n°6. C’est une place où l’on a plus d’espace.

Q : Ne craignez vous pas que la pratique du sport vous muscle de façon disgracieuse ?

R : Regardez mes mollets, les trouvez-vous difformes ?

Q : Vous entraînez-vous souvent ?

R : Deux fois par semaine sous la direction de M. Boschetti et je vais en plus chaque mercredi en forêt de Haye faire le parcours de santé.

Q : Croyez-vous avoir progressé sérieusement par ces entrainements ?

R : Nous avons appris la technique du football que nous ne connaissions pratiquement pas au début. Je pense que c’est ce qui nous a permis de gravir tous les échelons et d’accéder cette année au championnat de France.

Q : Croyez-vous possible d’établir une comparaison entre votre équipe et la hiérarchie masculine ?

R : Non, c’est très difficile. D’ailleurs nous ne jouons que 70 minutes et la FFF interdit les matches mixtes…

Q : Le football ne contrarie-t-il pas la vie familiale ou n’est-il pas un obstacle aux espoirs que nourrissent d’ordinaire les jeunes filles ?

R : Une seule femme mariée parmi nous et c’est elle qui pourrait vous dire si c’est un obstacle à  la vie familiale. Personnellement je ne le pense pas. Pour une jeune fille le football est une détente comme une autre qui d’ailleurs n’empêche pas d’aller danser. Nous ne sommes pas des professionnelles. Mais vaut mieux ne pas en faire part à M. Boschetti notre entraineur, il n’aimerait pas.

Q : Entre un match et un rendez-vous, un flirt, que choisiriez vous ?

R : Cela dépend du flirt… et peut-être aussi du match…

Q : Si votre mari n’aime pas le football, que ferez vous ?

R : Il restera à la maison…

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